Pierre Dubuc avec OpenClassrooms révolutionne la formation
par admin dans Membres
Vous avez fondé OpenClassrooms. Pourriez-vous, avant de nous parler de votre entreprise, nous dire ce qui vous a amené à entreprendre ?
Avec Mathieu Nebra nous avons commencé très tôt, à respectivement 13 et 11 ans. A l’origine, il s’agissait simplement d’aider nos amis à acquérir des compétences en développement informatique difficiles à trouver ailleurs. Puis nous nous sommes pris au jeu, autour d’une idée qui reste aujourd’hui encore la mission de l’entreprise : rendre l’éducation accessible. Nous voulons que notre travail avec OpenClassrooms ait un impact réel, permette à de plus en plus de femmes et d’hommes de se former, partout dans le monde.
Pouvez-vous nous dire, en faits et en chiffres, ce qu’est OpenClassrooms ?
OpenClassrooms, c’est une start-up de 100 personnes installée à Paris, qui a été créé en 2013 ; chaque mois plus de trois millions d’individus se connectent à la plateforme à travers 130 pays. Nous offrons une cinquantaine de parcours diplômants, en Français et en Anglais – cent d’ici la fin de l’année.
Votre entreprise est fréquemment identifiée comme étant l’un des sites français les plus visités. Comment une start-up comme la vôtre, sans budget communication important, peut se faire identifier auprès d’un public aussi notable ?
Nous bénéficions de la très bonne réputation du site dédié au développement informatique que nous avons créé avec Mathieu Nebra, et qui est en quelque sorte l’ancêtre d’OpenClassrooms : ce site s’appelait le Site du Zéro, et reste aujourd’hui encore considéré comme une référence à la matière, de l’aveu de beaucoup de ceux qui l’ont fréquenté ou s’y sont formés.
Selon vous, les écoles françaises aujourd’hui ont-elles suffisamment optimisé le levier digital pour remplir leur rôle éducatif ? Et, si vous étiez directeur d’un lycée français, que feriez-vous grâce au digital pour rendre meilleur votre établissement ?
En toute honnêteté, personne n’a “suffisamment optimisé le levier digital” dans l’éducation – pas même nous ! Le numérique est un monde qui change extrêmement vite, avec des innovations permanentes parfois prévisibles, parfois totalement imprévues. De plus, l’éducation est un monde singulier, au fonctionnement original : il ne suffit pas de mettre un étudiant devant un cours en ligne pour que comme par magie, il se forme. C’est la raison pour laquelle nous travaillons en partenariat étroit avec tous les acteurs de l’éducation, depuis les universités jusqu’aux grandes écoles, pour définir l’éducation de demain – celle que j’aimerais que mes futurs enfants suivent, dans le lycée que vous citez !
A votre avis, à quoi ressemblera la salle de classe du futur ?
Elle sera ouverte, bien sûr. Plus sérieusement, le numérique est appelé à se développer de manière exponentielle, et donc à prendre de plus en plus de place dans les parcours scolaires et universitaires. Même si c’est aujourd’hui une tarte à la crème, l’intelligence artificielle va également jouer un rôle majeur dans les parcours de formation, à la fois pour permettre aux gens d’identifier les compétences sur lesquelles ils ont besoin d’apprendre mais aussi pour mieux comprendre les besoins des entreprises en matière de compétences.
« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. » En partant de cette phrase du Président Lincoln, dites-nous dans quelle mesure OpenClassrooms permet de faire des économies publiques et par quel mécanisme ?
Je ne suis pas sûr que le prisme soit le bon, dans la mesure où faire des économies sur l’éducation n’est certainement pas un le meilleur des investissements sur l’avenir. Deux éléments à prendre en considération : d’après McKinsey, 800 millions de personnes dans le monde vont voir leur métier frappé d’obsolescence dans les quinze années à venir – près d’un tiers de la main d’oeuvre dans le monde. L’effort de formation nécessaire va être colossal, mais aussi vital si nous ne voulons pas voir émerger un monde totalement inégal, entre d’un côté la caste des sachants et de l’autre la majorité des ignorants. Par ailleurs, s’il est bien un domaine dans lequel l’investissement public est à la fois légitime et nécessaire, c’est bien dans l’école et la formation et ce tout au long de la vie.
Vous avez levé de l’argent auprès du Fonds Ambition Numérique de Bpifrance. Le Président Hollande a également permis aux demandeurs d’emploi d’être éligibles, gratuitement, à un compte premium OpenClassrooms, et vous êtes actuellement partenaire de Pôle Emploi. On peut dire que vous êtes soutenu par les pouvoirs publics à plusieurs titres. Pensez-vous qu’en France ce soutien des pouvoirs publics aux start-ups est aujourd’hui suffisant et y aurait-il, selon vous, des moyens de renforcer davantage cet accompagnement ?
A ce sujet, le constat est assez unanimement partagé : le soutien des pouvoirs publics à tous les niveaux en France n’est pas vraiment un problème – au contraire, entre Bpifrance et les différents dispositifs d’encouragement à l’innovation on ne peut que rendre hommage à l’engagement de la France en faveur de l’initiative ; le vrai problème est plus loin dans le cycle de vie d’une startup, au moment où il faut lever beaucoup d’argent pour changer d’échelle.
Par votre partenariat avec Pôle Emploi, pouvez-vous nous expliquer en quoi vous améliorez l’employabilité ?
Le paradigme a changé en matière de formation : aujourd’hui, la formation tout au long de la vie n’est plus une option mais une nécessité – offrir un accès privilégié aux demandeurs d’emploi, c’est leur permettre d’acquérir des compétences complémentaires, à valoriser sur leur CV.
Une dernière question : récurrente dans nos entretiens, avez-vous un modèle et quel est votre rêve ?
Mon rêve est simple, c’est le critère de succès que nous nous sommes donnés pour évaluer le succès d’OpenClassrooms : un million d’étudiants OpenClassrooms placés dans l’emploi chaque année à partir de 2025. Et il y a de quoi faire pour y arriver ! Un modèle ? Côté pédagogie je pense à Pestalozzi, l’un des pères de la pédagogie modèle dont on ne parle plus guère aujourd’hui – l’un des premiers à avoir développé une vraie conception de l’éducation comme socle de l’homme, à la fois comme professionnel mais aussi comme citoyen.