Yasmine Ben Kaddour, entrepreneuse du tourisme solidaire

par admin dans Membres

Yasmine, vous avez fait partie de l’équipe de coordination du programme NET-MED Youth (Réseaux de la Jeunesse Méditerranéenne) pour le compte de l’UNESCO et développez actuellement votre entreprise dans le tourisme solidaire.

Les propos tenus n’engagent pas Perspectives.

Bonjour Yasmine, pourriez-vous nous en dire plus sur ce programme ?

Il s’agit d’un projet financé par l’Union européenne et mis en œuvre par l’UNESCO, qui est centré sur la jeunesse de dix pays de la Méditerranée : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Palestine, Israël, Jordanie, Liban et Syrie.

La grande majorité des jeunes de ces pays font face à un taux de chômage élevé, à une faible représentation dans les sphères publique et politique et à la marginalisation. Or, ils présentent un grand potentiel mais ont besoin d’appui. Le programme NET-MED Youth, à travers des ateliers de conseils et de formations dans les pays concernés, a pour objectif l’autonomisation de ces jeunes en vue de les aider à s’engager dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques nationales qui se focalisent sur leurs droits, leurs responsabilités et leur potentiel. En bref, le programme vise à en faire des acteurs à part entière de la société.

Pensez-vous aujourd’hui que les relations entre les deux rives de la méditerranée soient assez développés ? Pourquoi ?

Malgré de nombreux accords d’association entre l’Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée, le bilan global des relations entre les deux rives reste, à mon sens, très éloigné des résultats attendus.

Je pense que la coopération européenne a longtemps négligé la société civile. Or, celle-ci peut jouer un rôle déterminant dans le rapprochement entre les deux rives, et les différents gouvernements devraient davantage tenir compte des recommandations de la société civile.

L’UNESCO est une institution avec une mission d’importance majeure, quels sont les enjeux que l’UNESCO doit relever au XXIè siècle ?

L’UNESCO œuvre à l’édification de la paix dans le monde. Je pense que l’enjeu pour l’organisation aujourd’hui est de poursuivre cette mission en tenant compte des nouvelles exigencesdu 21ème siècle. La mondialisation, l’essor des technologies de l’information, le changement climatique, la raréfaction des ressources naturelles sont des contraintes que l’UNESCO doit considérer pour réussir dans ses principales missions, comme par exemple : garantir l’accès pour tous à l’éducation, outil de prévention indispensable à l’extrémisme ; utiliser la culture, dans toute la diversité de ses expressions, comme outil de rapprochement ; réaliser l’égalité des genres ; protéger la biodiversité ; engager des actions d’envergure en faveur de la protection des sites emblématiques du patrimoine mondial.

Vous vous lancez maintenant dans l’entrepreneuriat social, toujours sous l’angle inter-méditerranéen pourquoi faites-vous ce projet ? Qu’est-ce qui vous tient à cœur dans celui-ci ?

A travers ce projet, je veux me sentir socialement utile et donner du sens à mon travail. Les associations en Afrique ont des moyens très réduits, ce qui entrave la réalisation et le développement de leurs activités. En mettant à profit les compétences de leurs membres, par le biais de mon projet, elles peuvent percevoir des revenus substantiels.

Outre le soutien direct aux associations, le projet permet d’agir sur plusieurs volets: offrir aux locaux, et plus particulièrement aux femmes et aux jeunes, une opportunité de valoriser leurs compétences ; promouvoir le tourisme solidaire ; faire connaitre les richesses de l’Afrique ; permettre aux voyageurs une immersion dans la culture locale ; rencontrer des locaux et établir des liens. Mon projet constitue une passerelle entre des voyageurs en quête d’authenticité et des communautés locales, prêtes à partager leur culture et leurs savoir-faire.

Pourquoi avoir choisi l’Afrique?

Le secteur du tourisme constitue un grand avantage pour les pays africains, par l’abondance de ressources naturelles et la richesse du patrimoine culturel. En encourageant et en soutenant les associations locales à mettre en valeur ce patrimoine, chacun peut contribuer, à son niveau, à améliorer les conditions de vie des communautés locales ; et surtout à inciter les jeunes à « rester chez eux », en leur offrant une opportunité de gagner leur vie dans leur pays d’origine, évitant ainsi les drames humains auxquels nous assistons malheureusement tous les jours.

Pour une jeune entreprise innovante travailler tout de suite à un échelon international est difficile comment faites-vous pour relever ce challenge ?

Tout d’abord, j’ai eu la chance de profiter du statut d’étudiant entrepreneur et de bénéficier ainsi d’un accompagnement personnalisé dès le début, avec un accès à l’espace de coworking de la PEPITE PON, ainsi qu’une formation à l’entrepreneuriat et à la gestion. J’ai, par la suite, postulé à l’appel à projets MEETAfrica, un programme européen d’appui à l’entrepreneuriat. Mon projet a été sélectionné et je vais pouvoir bénéficier d’un appui logistique, stratégique, business, …

Je constitue actuellement une équipe multidisciplinaire, formée de jeunes diplômés désireux de relever le challenge avec moi.

On estime souvent que l’entrepreneuriat social est le grand oublié des pouvoirs publics, lorsqu’ils lancent des politiques visant à favoriser l’innovation et les start-ups. Pensez-vous que les dispositifs pour accompagner aujourd’hui les entreprises sociales soient suffisants ? Que faudrait-il mettre en place selon-vous ?

L’entrepreneuriat social suscite un intérêt croissant auprès des jeunes. Plusieurs dispositifs de soutien à la création et au développement d’entreprises sociales ont été mis en place ces dernières années et différents dispositifs s’expérimentent. Cependant, ces initiatives sont souvent mal connues.

Au-delà du soutien au démarrage et de l’accompagnement aux porteurs de projets, je pense qu’il est nécessaire d’encourager la coopération entre entrepreneurs, à travers la mise en réseau et la participation à des événements communs (rencontres, formations, etc.). C’est un moyen de mettre en commun les idées et de bénéficier du regard d’une personne qui vit une expérience proche de la sienne.

Vous qui êtes membre de Perspectives, qu’est-ce qui vous plaît dans le Club ?

Perspectives permet justement d’encourager la coopération entre jeunes, à travers la qualité des évènements organisés et la richesse des débats. La possibilité de pouvoir rencontrer d’autres jeunes avec des parcours et des opinions divers mais tous animés par une commune envie de s’engager et d’échanger est dans un cas comme le mien ultra-bénéfique, c’est un vrai plaisir d’être de cette aventure.

Une dernière question, récurrente dans nos entretiens, avez-vous un modèle et quel est votre rêve ?

J’admire énormément Albert Jacquard pour son grand humanisme et son engagement sur de nombreux fronts, notamment la défense des plus démunis.

Et mon rêve : réussir mon projet et vivre en harmonie avec mes convictions !